lundi 1 juillet 2013

Un systeme en reproduction

http://www.huffpostmaghreb.com/karim-barketallah/un-systeme-en-reproductio_b_3529708.html

Une question qui se pose est pourquoi beaucoup ont peur et paniquent face à la gouvernance de la troïka, et en particulier le fait qu'un parti islamiste soit aux commandes du pays.
Le pays a-t-il profondément changé? Y a-t-il vraiment lieu de s'inquiéter? Est-ce une phobie en rapport à ce qui s'est passé en Iran ou dans d'autres pays? Je ne pense pas que la Tunisie ait changée, mais les gens ont peur de ce qui va se passer et ce dernier sentiment l'emporte. Et comment!
Un système en reproduction?
Hier un parti-état menait le pays d'une main autoritaire, planifiait et décidait pour nous. Nous étions tous contrôlés et nos espaces de liberté limités à ce que voulait bien nous donner le régime.
Aujourd'hui, nous avons l'impression que le «système» est en train de se reproduire. La parole est libre, mais des affaires comme celle de Samy Fehri, ou encore de Amina-Femen ou Weld 15, ainsi que l'impunité totale de la violence verbale et physique qui ont suivi l'installation de ce gouvernement, ont installé le doute dans nos esprits et l'impression que hier est en train de revenir en force nous hante terriblement. Même si nous sommes libres de nous exprimer, nous avons peur qu'à tout moment, on applique sur nous une des lois encore en vigueur des régimes passés.
Ajoutez à cela l'arrivée massive de «cheikhs-prédicateurs» venant prôner des concepts que l'on pensait venir d'un autre âge et que nous n'avions jamais connus auparavant.
Reculer pour mieux sauter
Dans le même temps, nous observons que les islamistes au pouvoir font des concessions: sur la charia, sur la liberté de conscience et encore bien des choses qui ne sont, en principe, pas dans leur dictionnaire. Mais étant donné que toutes ces concessions ont été faites dans la douleur, et connaissant la nature des Frères Musulmans, on se dit qu'ils pratiquent la stratégie du «reculer, pour mieux sauter». C'est pourquoi une résistance se met en place et que la confiance est totalement défaillante entre les gouvernants et les gouvernés
Oui, rien n'a encore vraiment bougé en Tunisie. Oui, ils donnent l'impression de vouloir construire un pays apaisé et consensuel. Mais leurs travers sont en eux et à chaque fois qu'ils en ont l'occasion, ils le montrent de manière volontaire ou involontaire.
Cette situation hégémonique des islamistes, qui se sont associés à deux partis que l'on pensait progressistes mais se sont finalement avérés conservateurs ou conservateurs par opportunisme, a montré ses limites.
Une mauvaise note
Le pays est dans une situation désolante, aucun problème social n'a été résolu, la pauvreté s'est encore accentuée, le déséquilibre régional aussi; économiquement, nous sommes au bord du gouffre, les agences de notation ne cessent de nous dégrader et nous sommes incapables de leur donner le moindre signal de bonne gouvernance afin de limiter les dégâts. Les investisseurs se font rares et les hommes d'affaires tunisiens préfèrent dès a présent penser au plan B.

La situation sécuritaire est plus que précaire et la violence est devenu un mode d'expression. La justice, même si elle semble avoir fait de grands pas vers l'indépendance, demeure aux mains de l'exécutif qui en use à sa guise pour réprimer les libertés.
Patrie et parti
Afin de tenter de rester le plus longtemps possible au pouvoir, Ennahdha a mis ses hommes au niveau de l'ensemble des rouages de l'état. Il n'est pas un gouverneur ou un haut responsable qui ne soit nahdhaoui ou partisan de l'un des trois partis actuellement au pouvoir.
Rapidement, les réflexes d'hier reviennent et on confond vite patrie et parti. Face à cette situation, le paysage politique s'est bipolarisé.
Les gens encore échaudés de l'expérience passée, ne font plus confiance en leurs gouvernants et en cette Assemblée Nationale Constituante qui est, en plus de son caractère folklorique, un instrument au service du gouvernement et de ceux qui sont au pouvoir, un outil permettant le hold-up sur la révolution.
Une Assemblée Nationale Constituante qui a été incapable de respecter les délais qui lui ont été impartis et de tenir ses engagements premiers, à savoir la rédaction d'une Constitution consensuelle et dans un délai d'une année. Une Assemblée Nationale Constituante qui a été incapable de tracer une feuille de route et de la respecter.
Que faire?
Notre salut ne peut venir que d'élections, que nous gagnerons avec une légère avance sur eux, et que nous gouvernions ensemble avec les mêmes atouts pour faire une Tunisie différente, avec de meilleurs équilibres régionaux. Ensemble, mais non avec eux comme décideurs. Car eux sont comme le RCD et avant lui le PSD: ils confondent parti et patrie, religion et gouvernance. Et cela, on ne peut l'accepter. C'est pourquoi nous ne pouvons encore travailler main dans la main avant d'avoir gagné les élections.
Mais pouvons-nous réellement avoir des élections libres et transparentes dans cet environnement d'insécurité, où les Ligues de Protection de la Révolution terrorisent hommes politiques, hommes de culture et hommes d'affaires dans une impunité totale? Pouvons-nous avoir des élections libres et transparentes quand l'ensemble des gouverneurs sont partisans ? Pouvons-nous avoir des élections libres et transparentes quand le financement des partis est très opaque et que des associations reçoivent des millions de dollars sans que nous en connaissions réellement l'origine?
Tout ceci amène le paysage politique à se bi-polariser de manière très importante, avec le risque de voir revenir au devant de la scène ceux qui hier ont échoué.
Cette révolution est elle condamnée à être confisquée par les uns ou par les autres ? N'est-il pas dommage qu'après une aussi belle révolution, les Tunisiens se voient obligés de choisir entre Nida et Ennahdha?
Le Tunisien, comme l'Egyptien aujourd'hui, se doit-il de reprendre en main sa révolution et de faire de nouveau entendre la loi de la rue? Celle qui fit partir Ben Ali et son RCD?


Peut-être est-ce la solution, car nous méritons bien mieux que cela.

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